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Café Littéraire. Espace ou naissent et se croisent toutes formes d'écrits: slams/poésie/contes/nouvelles/romans/théâtre. Tous les jeudis de 18h à 20h au CEBULAC (Burundi Palace, 1er étage), en plein centre de Bujumbura. Entrée libre et gratuite.

samedi 27 décembre 2014

« L'art, c'est plus que guérir, c'est prévenir »

Du 2 au 8 novembre 2014, Marie Louise 'Bibish' Mumbu était à Kigali. L’écrivain congolais installée au Canada dirigeait un atelier d'écriture organisé par Ishyo Arts Centre. Une rencontre que nous raconte l'artiste rwandaise Sabrina Iyadede.

Carole Karemera, directrice d'Ishyo Arts Center (à gauche) avec l’écrivain Marie Louise "Bibish" Mumbu

Je me suis toujours demandé comment on écrit un livre, moi qui écris des chansons. Il y a deux semaines, je me rendais donc en toute curiosité au centre d’art Ishyo, qui avait fait venir pour la nouvelle installation de leur Café littéraire trimestriel, Marie Louise ”Bibish” Mumbu. Auteure, journaliste culturelle, elle vit entre Montréal et Kinshasa, prix Mark Twain en 2009 pour sa formidable nouvelle « Moi et mon cheveu ».

L’Espace Madiba d’Ishyo qui nous accueillait, pendant 7 jours, est posé dans les locaux de l’École Internationale de Kigali. Des fenêtres hautes et larges inondées d’une lumière douce, des sièges confortables couverts de pagnes aux formes géométriques gaies, une fontaine d’eau sur une table où s’alignent toujours plus de gobelets qu’il n’y a de personnes, des étagères remplies de livres pour tous les âges et de tous les pays, et des portes, toujours ouvertes. Un endroit qui semble vous murmurer « Soyez le bienvenu et restez aussi longtemps que vous voudrez » ...
Et c’est exactement ce que j’ai décidé de faire, dès la fin de ma première journée d’atelier.

Cette expérience fut d’ abord une expérience d’écoute, de partage, d’humilité et de courage.

L’écoute, car Marie Louise, jamais imposante, jamais juge, écoutait avec intérêt les mots de tous. Ceux aux accents sans hic, comme ceux qui trahissaient un contrôle limité de la langue de Molière … et de Shakespeare, tous étaient les bienvenus. Le lendemain, elle revenait avec des textes de ses auteurs favoris, en rapport avec les histoires que nous avions déversé la veille. Elle abreuvait la source avec une intention sincère. Celle de nous inspirer et de nous apprendre que chaque histoire vaut la peine d’être racontée.

Le partage, car les paroles se prenaient à tour de rôle dans une espèce de rythme naturel. Il s’est passé quelque chose entre nous, une symbiose comme l’a souligné Mr Nyombayire qui m’a laissé avec une leçon résonnante : “Dans la vie, il faut se battre pour ce que l’on mérite, il ne faut pas se laisser impressionner !”

Une expérience d’humilité, car nous avions parmi nous, un historien, le professeur Mbonimpa Gamaliel, intarissable sur l’histoire et les traditions du Rwanda. Ce fut émouvant de le voir faire face aux jeunes participants et leurs regards qui revivaient les scènes qu’il décrivait, lui posant toujours plus de questions auxquelles il répondait : “ Patience, patience j’ y arrive ! ”
Bibish Mumbu, lors de l'atelier, avec les participantes
Sandrine Umutoni et Natacha Muziramakenga ...
Une expérience de courage car il en faut pour se raconter honnêtement. Lors d’un exercice sur la mémoire individuelle qui avait pour but de nous pousser à retracer nos racines et d’établir un peu plus qui nous sommes, Natacha Muzira, jeune artiste et poète rwandaise nous a offert un texte à fleur de peau intitulé “Les questions que j’ai oublié de poser.”

Un atelier organisé par des passionnées donc, Carole Karemera, Sandrine Umutoni et toute leur équipe qui ont su avec brio rassembler un monde varié dans une salle et trouver les outils pour que tous se rencontrent. Dans le contexte historique du Rwanda, une initiative pareille a tout son sens et devient même une nécessité. L’art ne participe plus seulement à guérir, mais à prévenir.

Je sens venir la question : alors, as-tu eu la réponse à ta question initiale, “Comment écrit-on un livre? ” Honnêtement, non. J’ai juste appris que l’on n’écrit pas un livre. On écrit “pour”, on écrit “à”.

Marie Louise écrit à son père, décédé trop tôt et à qui elle raconte ce qu’il n’est plus capable de voir ...

Une flamme fut allumée, sans aucun doute, et pour cela je dois dire merci pour tout.