L’idéologie
néolibérale, qui sous-tend la mondialisation, est antinomique avec
la philosophie de l’Ubuntu. En effet, la matrice du néolibéralisme
consiste à affirmer que l’individu se suffit à lui-même. Quant à
la philosophie de l’Ubuntu ou - pour être plus précis - la
weltanschauung (vision du monde) des peuples bantous -, elle fait
prévaloir l’empathie sur l’égoïsme dans les relations
humaines. Cette philosophie de l’interdépendance humaine peut se
résumer ainsi : « Je suis ce que je suis grâce à ce que
nous sommes. »
Le philosophe français
Danny Robert Dufour assure que le « divin marché », en
d’autres termes l’ultralibéralisme, exalte le fonctionnement
pulsionnel dans les sociétés occidentales. Le fonctionnement
pulsionnel, qui ipso facto instaure la dictature de l’instant, peut
se ramener sous la forme du « je veux, je prends ; j’ai
envie, je consomme » tandis que le lien se construit dans la
durée. Ainsi dans un monde où les êtres humains sont incités au
fonctionnement pulsionnel, le lien qu’ils tissent avec leurs
semblables est relégué au second plan.
Or, trouver un frère et
partager est un besoin fondamental de l’homme. Ce partage se
traduit aussi bien dans l’expérience du banal que du spirituel. Il
faut cultiver l’empathie pour maintenir voire enrichir le lien que
nous tissons avec les autres. En effet, la qualité d’une relation
dépend de notre capacité à considérer autrui comme un alter ego
avec lequel nous partageons, les émotions, les besoins et les
aspirations.
Dans un tel contexte
marqué par l’esprit de consumérisme, que devons-nous faire pour
préserver notre âme dans la mondialisation ? Autrement dit,
que faire pour que nous continuions à répondre que c’est le
« et » qui est le plus important entre toi et
moi, du moment que c’est cette conjonction de coordination
symbolise le lien ?
Tendant à remplacer les
espaces de dialogue traditionnels, les progrès technologiques
permettent au besoin de communication, qui est inhérent à la
nature humaine, de se déployer à une échelle planétaire.
Cependant, sur les réseaux sociaux les plus prisés (Facebook et
Tweeter), l’échange n’y est pas la pointe éthique. En effet,
l’échange implique la proximité physique, ce qui facilite
l’interaction avec autrui, notamment par la vue, l’ouïe et le
toucher, le cas échéant. On n’y pratique pas le dialogue au sens
senghorien, c’est-à-dire « le rendez-vous du donner et du
recevoir. »
Comme remède à cet état
de chose, il est plus qu’urgent d inculquer cette weltanschauung
à la jeunesse, puisque « l’enfant est le père de l’homme »,
dixit Nietzche. La création de clubs de dialogue dans les collèges
et lycées permettrait, entre autres, la pérennisation de cette
vision du monde. Les élèves seraient encouragés à chercher les
sujets de dialogue sur tous les supports (télévision, radio,
internet, DVD, journaux, magazines, livres, cinéma). Sans oublier de
puiser dans l’expérience personnelle. Pas de sujet tabou. Car, la
devise y serait les vers de Térence, poète comique latin, dans Le
Bourreau de soi-même : « Je suis homme :
rien de ce qui est humain ne m’est étranger. » Ainsi,
l’école constituerait une valeur ajoutée par rapport aux parents
- ou pallierait leur lacune - dans la transmission des valeurs de
partage et partant de solidarité.
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