Akademie Graz, Journée européenne des langues, 26 septembre 2011 (Droits réservés) |
Que
veut dire « écrire en français » pour toi ?
C'est appartenir à une fratrie
multiculturelle: de Jean Bofane à Michel Tremblay en passant par
Milan Kundera, Assia Djebar, Edouard Glissant, Louis Aragon, Alain
Mabanckou... C'est le fait de s'exprimer dans une langue africaine,
une langue qui m'est proche, ma propre langue. C'est aussi un
accident de l'histoire. Si le pays était une colonie russe, nous
écririons dans une autre langue.
Quel sens donnes-tu à la tenue du dernier sommet de la Francophonie dans ta terre natale ?
Le
Congo est le premier pays francophone devant la France. Il était
temps qu'un telle rencontre se tienne en Afrique centrale. Je pense
que c'est une marque de reconnaissance.
En 2009, tu recevais une médaille d'or aux 6èmes Jeux de la Francophonie ... Qu'est-ce que cela a changé dans ton parcours artistique ?
C'est
une récompense honorifique. Rien n'a vraiment changé dans mon
parcours. On continue à écrire, on se débrouille...
Que
ressens-tu quand on parle de la « génération montante de
la littérature en RDC » ?
Une
double responsabilité. La "génération montante" doit
relever le défi sur le plan de l'écriture. Le Congo des années 80
a fait une contribution exceptionnelle au monde littéraire avec
Valentin-Yves Mudimbe, Pius Ngandu Nkashama, Georges Ngal, pour ne
citer que ceux-là. Il appartient à la nouvelle génération de
(ré)écrire l'histoire nationale et de raconter le pays, un pays
n'existant que sur papier. Selon moi, et mon évangile n'est pas
celui de Saint-Paul, les jeunes écrivains congolais gagneraient à
travailler dans l'optique du Groupe 471.
Je demeure optimiste au regard de ce qui se produit au pays et dans
la diaspora.
Parles-nous un peu de cette aventure Moziki Littéraire avec Bibish Mumbu et Papy Maurice Mbwiti ... Pourquoi une voix à trois sonorités ?
Le
Moziki littéraire
est un pont (in)visible entre Kinshasa, Graz et Montréal pour
contourner nos solitudes respectives. Nous nous fixons des thèmes
sur lesquels nous écrivons et Africultures sert de relais en
diffusant nos textes à travers son site internet2.
Cette entreprise est née d'une urgence, ce besoin de raconter à
l'autre ses frustrations, sa joie de vivre là où le pays n'existe
souvent plus que sur papier. L'ensemble des textes sera publié sous
forme d'une anthologie qui sera distribuée dans les écoles de
Kinshasa et de Lubumbashi, principalement celles par lesquelles nous
sommes passés. L'année prochaine, nous présenterons notre
anthologie au Festival des Francophonies en Limousin.
Tu
publies en allemand, aussi ... A quelle conversations peut-on
s'attendre entre tes textes en français et ceux en allemand ?
Ma
littérature garde la même fêlure nonobstant la langue d'écriture
et de traduction. Je modifie toujours les textes destinés à la
traduction en changeant le déroulement de l'intrigue ou le nom du
personnage. Lorsque j'écris en français pour une revue de langue
allemande, il m'arrive de proposer directement à mon traducteur la
traduction de certaines phrases. Je n'ai pas de pitié pour moi même,
ni pour mes textes. Suivant la langue, je coupe, je falsifie, je
corrige, je modifie, j'enlève, je change la tête du personnage ou
même son sexe à l'instar du personnage central de ma pièce Gott
ist ein Deutscher (Dieu est un Allemand) jouée récemment en
Autriche qui est de sexe masculin dans la version française.
Quel mot est le plus étrange pour toi, dans la langue française ? Et pourquoi ?
Caravansérail.
Le mot semble signifier autre chose que ce qu'il désigne ...
Quels
projets littéraires ? Fiston : « Mon recueil de
poésie Der Fluss im Bauch/ Le Fleuve dans le ventre sort au
plus tard en janvier 2013 aux Editions Tannhäuser. Je travaille sur
le scénario d'un film qui relate les aventures kafkaïennes d'un
saxophoniste congolais. Je viens de traduire en allemand Et les
moustiques sont des fruits à pépins, une de mes pièces de
théâtre dont la mise en lecture est prévue pour l'année prochaine
en marge d'un festival des jeunes auteurs. Avec Patrick Dunst, un ami
saxophoniste, nous avons des lectures de Naima, un dialogue
entre la poésie et le saxophone »
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1 Groupe
47 :
désigne un ensemble d'écrivains de langue allemande créé en
1947, actif jusqu'en 1967 et
ayant eu une importance considérable pour le renouveau de la
littérature allemande d'après-guerre
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