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Café Littéraire. Espace ou naissent et se croisent toutes formes d'écrits: slams/poésie/contes/nouvelles/romans/théâtre. Tous les jeudis de 18h à 20h au CEBULAC (Burundi Palace, 1er étage), en plein centre de Bujumbura. Entrée libre et gratuite.

mercredi 30 mars 2011

Un coup de sonde, avec le Samandari, dans l'univers littéraire francophone

Quatre dates dédiées aux écrivains venus de la Suisse, de l'Algérie, du Liban, et puis, finalement, la plus belle réussite de ces rendez-vous, la rencontre consacrée à la littérature orale burundaise... C'était durant la Semaine dédiée à la Francophonie.

Le mardi 15 mars, près d'une vingtaine de passionnés de lettres viennent de voir Vivre et écrire en Algérie de Dominique Rabourdin (2003), film produit dans la série 'Les Belles Étrangères'. Une des participants de la soirée, qui a vécu cinq ans en Algérie rappelle une image qu'elle garde des années 1980 du pays: « Les femmes n'étaient jamais matures. Elles quittaient la tutelle du père pour celle du mari. Il arrivait que des Algériennes échouent expressément à l'Université pour ne pas rentrer à la maison ». Ce combat féminin contre les pesanteurs de la tradition se retrouve dans Écrire le Liban à jamais de Michel Georges (2007), dont la projection s'est faite le mercredi 16 mars. Analysant ses thèmes de travail, l'écrivaine libanaise Sobh Alawiya décrira une société libanaise dans laquelle « l'homme a créé une mémoire dont la femme est étrangère ». Ce fut l'occasion d'engager un débat sur l'évolution de la place de la femme dans l'histoire du Burundi... Thème sur lequel le Samandari reviendra, assurément.

L'autre trait du pays, non signalé comme tel dans le documentaire, c'est que « l'Algérie a arabisé d'un coup l'enseignement, sans avoir préparé le système éducatif. Ce qui donne des analphabètes bilingues », rappellera un membre du Samandari de ses souvenirs. Présent au cours de toute la semaine, le directeur de l'IFB se fera l'écho d'un écrivain qui rappelait la relative grande liberté de ton dans les romans publiés en l'Algérie du fait que « les autorités savent que l'on [nous] lira pas!» Triste réalisme. Mais arme à double tranchant aussi: « Comment oublier que ces littératures que l'on croit non-lues peuvent participer à des mobilisations idéologiques fortes? », s'interrogera Jean-Marie Ngendahayo, animateur de la soirée. Et de citer en exemple la pièce 'Pitié pour la Reine' du réalisateur Jean-Marie Vianney Kayishema qui avait provoqué, lors de sa présentation dans les années 1980 au CCF de Bujumbura notamment, une prise de conscience chez les jeunes rwandais de la diaspora pour la cause du FPR...

Le lundi 14 mars, la soirée avait suivi 14 écrivains suisses de Dominique Rabourdin (2001), avec en arrière-fond, des auteurs helvétiques héritiers d'une culture dans laquelle comptent quatre langues officielles (l'allemand, le français, l'italien et le romanche), le voyage, une certaine tradition du bien-faire et du bien-vivre, mais qui vivent aussi un malaise : celui de ne pas être lu...

Enfin, le jeudi 17 mars, dans une salle TV5 Monde de l'IFB (la première des cinq qui existent au Burundi, la dernière ayant été inauguré à l'Université de Mwaro le lendemain)... Le Samandari accueille trois ambassadeurs (celui d'Allemagne, de Chine et de France), deux chefs de coopération (France et Suisse), plus une affluence record avec des invités obligés de rebrousser chemin pour manque de places. On y parle de Littérature orale burundaise... Naturellement, on commence par la figure politique de Samandari, ce fou du roi qui affutait la sagesse et la conscience de Sebarundi (le Père des Burundais) par ses provocations. On continue dans l'évocation des traits des personnages du conte burundais, bestiaire (le lièvre, l’hyène, le léopard, l'ogre,...), humain (Samandari, Inarunyonga, ...) ; puis on invite Kinyange pour un morceau de poésie pastorale. Il y a du rire, des questions, des similitudes venues d'ailleurs, comme cet art martial puisé dans les titubements d'un ivrogne que révèle l'ambassadeur de Chine et que l'on n'hésitera pas à mettre en relation avec la poésie du soulard que nous a léguée la tradition burundaise.

En rendant hommage à des expériences venues d'ailleurs et de nous, le Samandari, épaulé par une belle mise en scène de l'IFB a contribué à voyager dans l'une des forces de la Francophonie : l'univers littéraire. Avec cette citation qui surprend : « Le roman est fondé sur un désir profond chez l'humain : le voyeurisme », dénonce l'écrivain libanais Rachid El Daïf. Voyons, voyons...

Article paru dans le journal Iwacu, de Roland Rugero

mardi 22 mars 2011

Francophonie : le Samandari à l'oeuvre

Pendant quatre soirée, le Samandari a animé une série de rencontres autour de littératures francophones à l'IFB. Un membre du café-littéraire raconte le déroulement au quotidien Le Renouveau.

Projet de l'Association des Écrivains du Burundi, le Samandari avait été sollicitée par la direction de l'IFB pour animer une série de conférences sur des littératures francophones dans ses enceintes. Belle initiative qui aura payé de sa nouveauté : les quatre soirées recevront, dans la petite salle de la Maison TV5 de l'IFB (la première des cinq qui existent au Burundi), une moyenne de 25 personnes par soir. Le dernier des rendez-vous qui se penchait sur La Littérature orale burundaise, thème proposé par le Samandari expressément pour le public intéressé par la tradition burundaise, a battu tous les records. Certains sont rentrés faute de places, dans une salle où régnait une très bonne ambiance, avec en prime, dont des invités de marque : les ambassadeurs d'Allemagne, de Chine, de France, les patrons de la Coopération française et Suisse, le professeur Juvénal Ngogwanubusa de l'Université du Burundi ou encore le premier ministre de la Défense et membre du Conseil des Bashingantahe, Zénon Nicayenzi.

Ainsi, le lundi 14 mars, Roland Rugero, journaliste culturel à Iwacu et un des initiateurs du Samandari avait présenté le film sur la Suisse, 14 écrivains suisses de Dominique Rabourdin (2003). Une occasion de se pencher sur la Suisse, dont l'équivalent en Afrique était justement … le Burundi jusqu'à la guerre de 1993. Le mardi 15, le débat animé par Jean-Marie Ngendahayo, ancien ministre des Affaires Étrangères, de formation littéraire, portait sur Vivre et écrire en Algérie tourné en 2003 aussi. À cette époque, la cinéaste Dominique Rabourdin montre des écrivains algériens qui se battent contre l'intégrisme rampant dans la société, pour la liberté d'expression.

Le mercredi, Jeanne Muvira, journaliste et réalisatrice animait la rencontre sur Écrire à jamais le Liban, de Michel Georges, réalisé en 2007. Une des phrases qui ont marqué l'assistance : « Les Libanais n'ont commencé à aimer leur pays qu'avec la guerre! » Tous ces films sont produits dans le cadre du projet Les Belles Étrangères, qui travaille à la promotion d'auteurs venant d'ailleurs, en France. Le jeudi 17, Roland Rugero revenait pour La littérature orale burundaise, soutenu par la poésie pastorale d'Émile Kwizera, alias Kinyange et ses contes sur le lièvre Sarukwavu. Une occasion aussi de saluer le bon travail de préparation réalisé par les services de programmation à l'IFB, avec une fiche qui reprend les films, auteurs et thèmes de réflexion contenus dans les documentaires !

dimanche 13 mars 2011

Un élitiste désillusionné

Dans l’univers tout obéit, nous dit Albert Jacquard dans son introduction de L’homme et ses 'droits’. Les forces à l’œuvre contraignent chaque objet à parcourir une certaine trajectoire et subir les transformations nécessaire : Un verre est lâché, il tombe et se brise; un animal ne trouve pas de nourriture, il se couche et meurt. C’est la loi.

Mais loin d’être fataliste, cet humaniste nous explique qu’étrangement un objet, l’homme, a imaginé de ne pas accepter passivement cette loi. Devant un enfant qui meurt, il ne se contente pas d’être triste, il s’efforce de modifier le cours des choses, d’écarter la mort.

"Le propre de l’homme et sa grandeur serait donc dans sa capacité, voir dans sa décision de ce fait, d’être plus fort que sa condition."

Pourtant quand je regarde tout autour de moi dans ce beau pays –comme le chante si bien le talentueux Sogo, rien n’est moins sûr. De l’humble planteur de banane au fonctionnaire qui tout les mois de chaque année s’en va toucher sa misère, les choses semble suivre leur course aussi dérisoire soi celle-ci. Depuis des années une même chanson semble tourner, piéger dans une vie cyclique on tourne sans jamais évoluer. Et quand ce sentiment d’échec nous prend, quand l’on se rend compte que notre avancer serait illusoire on s’en remet à la providence, les lendemains seront meilleurs se dit-on, Imana iratubona ; et d’une décharge généralisée, on place nos espérances dans le futur et dans la jeunesse qui devra le faire : Uburundi bw’ejo.

C’est du sentiment que m’inspire cette jeunesse et de ce futur dont je voudrais parler ici, et pour ce je ne parlerai pas de n’importe quelle jeunesse. Je pense aux pseudos jeunes élites ou devrais je dire l’élite jeune de ce petit pays ; et de cette illusion de progrès qu’elle est censé engendrer.
L’élite jeune dont je parle est moins un groupe-de ce fait jeune, détenteur d’un pouvoir mais plus d’un groupe détenteur de savoirs. Ce sont nos jeunes qui nous rentrent parfois sorti de grandes écoles i Buraya ou ailleurs dans le monde après avoir été kurahura ubwenge. Bien souvent héritier eux-mêmes d’une classe dirigeante, la logique voudrait que l’on place nos jeunes hommes et femmes sur un nouveau terreau intellectuel sur lequel notre société sera repensé. Mais les illusions sont vite perdues.

En effet cette pseudo élite jeune me fait penser à cette dame de Bargeton de Lord R’Hoone dit Balzac, celle qui après avoir reconnu que la vie de Paris, à laquelle elle aspirait, lui était interdite par la médiocrité de sa fortune, se prit a examiner les personnes qui l’entouraient, et frémit de sa solitude. Le désespoir la prit quand elle ne trouva autour d’elle aucun homme qui put l’inspirer, un désespoir que cause une vie sans issue, sans évènements, sans intérêt. Elle ne pouvait compter sur rien, pas même sur le hasard, car il y a des vies sans hasards, nous dit-on.

Tel est le sentiment que m’inspirent ces jeunes esprits qui nous rentrent de hanze. Du haut de leurs diplômes et plein d’ambitions, ils rencontrent une société sceptique pour qui 'oser penser' est à la limite grotesque, voir insultant, me disait un de nos jeunes intellectuel. Ne parlons pas d’oser rêver ! Ces jeunes et brillants esprits qui rêvaient reformes, monter l’entreprise révolutionnaire, ... auront sous-estimé le système, la norme sociale du 'bien penser' et surtout du 'bien paraître'. Leur raison social prenant le poids sur leur raison de vie, les ambitieux discours de créer finissent par faire place à la peur du lendemain, et voici notre jeune homme ou jeune femme qui fini dans les colonnes du Renouveau cherchant un emploi!

Et tel est le tragique sort bien nombreux de nos pseudos élites jeunes.
Mais attention, dans cet univers bien obéissant, forcement ceci a une conséquence, mais laquelle ?
L’étude de l’histoire de Toynbee semble nous répondre : celui-ci nous explique que l’élément moteur de toute civilisation est le défi, qui incitera une communauté humaine à sortir de l’ornière de ses habitudes pour s’élever à un niveau supérieur, aller vers l'indépendance et s'affirmer. Et ici les élites jouent un rôle fondamental dans ce processus ainsi que dans son déclin, qui survient notamment lorsque ces élites, tel nos fameux jeunes Uburundi bw’ejo sont incapables de répondre aux nouveaux défis et de ce fait deviennent une simple minorité, une minorité certes éduquée mais résignée.