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Café Littéraire. Espace ou naissent et se croisent toutes formes d'écrits: slams/poésie/contes/nouvelles/romans/théâtre. Tous les jeudis de 18h à 20h au CEBULAC (Burundi Palace, 1er étage), en plein centre de Bujumbura. Entrée libre et gratuite.

dimanche 31 octobre 2010

Le roulement des rumeurs

par Roland Rugero

On le disait endormi dans un sombre et froid réduit du Musée de Tervuren, en Belgique, trophée d'un colon heureux de ramener quelque ustensile exotique du Burundi. A moins qu'il ne soit là par ordre d'en haut, importé vers l'ancienne métropole dans cette vaste entreprise de 'dénudement culturel' inhérente à toute colonisation...
Les uns affirmaient qu'il se trouve dans une natte fourrée dans la grange d'un appartement sis à Bruxelles. Non, à Berlin, nuance les autres.
Il y a ceux qui prétendaient que les Belges, sur le point de partir et ravagés de voir le pays du lait et du miel accéder à l'Indépendance, ont préféré brûler l'étrange et vénéré objet. Puis d'autres affirmaient, sur fond d'intenses intrigues ethniques (ou entre castes, on ne sait trop); qu'il aurait été volé par tel de telle ethnie, dans une tentative abjecte de s'accaparer des secrets de la royauté du multi-séculaire Burundi bwa Nyaburunga.
Il y avait enfin, ceux qui, faute de rumeurs, des ouïes-dires ou simplement en manque d'imagination, ont préféré se taire.
Et voilà que d'un coup, Charles Baranyanka, que nous saluions dans la précédente chronique; Sogokuru donc (Grand-père) nous annonçait, timide sourire en coin, que Karyenda, le Tambour Sacré qui symbolise le Royaume du Burundi, est toujours vivant. Le terrible Karyenda (de forme phallique, prétend-on toujours) ne serait donc pas un mythe. On attend la prochaine livraison, pour savoir sa date d'exhumation... Mais quels bruits il fait, quand bien même il s'est tu!

mardi 26 octobre 2010

Michel Kayoya et le développement


"Mais…. Et c’est notre sujet de la causerie de ce soir, le peuple ne suit pas ! Nous qui travaillons à la base, près du peuple, nous sentons une résistance, une lenteur décourageante. On a beau se sacrifier pour l’amélioration de l’habitat, pour l’assainissement des eaux, après quelque temps les sources sont inutilisables et la lutte reste toujours l’habitat commun de la grande masse des Barundi. Il n’y a pas un grand mouvement, pas une réponse enthousiaste dans le combat livré contre la faim, contre la malpropreté et la maladie. Et on se demande : Pourquoi cette inertie, pourquoi cette lenteur, pourquoi cette passivité ?...

J’appelle l’homme d’avant 1885, ce murundi, même aujourd’hui, qui n’a presque pas subi l’influence occidentale. Il est donc à considérer comme dans le temps matériel d’avant 1885 et dans une situation de ‘non rencontre’ avec l’Occident. Et il y en a plus qu’on ne pense de ces hommes dont la philosophie profonde est restée intacte.

1. Nous devons noter que cet homme-là est dans la situation de ceux qui s’efforcent de s’adapter à la nature. Non la nature positivement connue et acceptée comme telle, mais la nature avec ses forces aveugles et mystérieuses. Il ne peut y avoir de développement consenti et assumé par le peuple, si un peuple n’a pas une connaissance positive de la nature comprise comme telle et acceptée profondément.
Pour progresser en effet, cet homme d’avant 1885 doit accepter d’être convaincu que la pluie est pluie et rien d’autre, que l’arbre est arbre et rien d‘autre, que la verminose est verminose et rien d’autre, que dans la nature il y a un système de causalités secondes provenant uniquement de la nature, des qualités, de la constitution de chaque chose.

2. Cet homme d’avant 1885, par la force des choses, vit dans un monde hiérarchisé. N’oublions pas qu’il est un agriculteur éleveur et, dans une civilisation agraire pré technique, l’homme adopte la nature. Bien sûr, puisqu’il est intelligent, il inventa des outils, se protège des intempéries, mais en grande partie il doit se soumettre à la nature et à ses lois : il doit se soumettre à la loi des saisons, il doit attendre que son maïs pousse. Il y a des catastrophes qu’il ne peut expliquer, la foudre, la mort subite en cas de thrombose ou méningite. Tout cela crée en lui un fond de soumission, de passivité, de patience et un souci d’éprouver toute chose nouvelle pour en mesurer la force. C’est ainsi que devant la technique, au lieu de l’imiter, il en devient un admirateur béat, un exécutant inconscient. Devant de nouvelles méthodes de culture et d’élevage, il sera calme et docile à suivre les indications et gestes du moniteur aussi longtemps que celui-ci reste présent… mais laissé à lui-même, libre, il laissera avec mépris les techniques apprises hier avec soin (3). Monde hiérarchisé où chaque chose garde son rang. Pour l’homme d’avant 1885, la nature est unie, elle n’est pas seulement constituée par le visible, il y a en elle des forces aveugles, invisibles ; tout n’est pas palpable, mesurable, pesable, c’est pourquoi cet homme vit dans un monde d’intermédiaires :
- pour que le médicament soit efficace, on devra l’influencer par l’intermédiaire d’un geste ou d’une parole : umuhamuro,
- pour qu’un poison soit efficace, on devra non seulement le doser mais lui insuffler une force suivant le degré de forces de l’homme à abattre,
- pour qu’un enclos soit efficacement protégé, il ne faudra pas seulement une haie, fut-ce en fil de fer barbelé, il faudra surtout le « giheko » protecteur des rugo et des champs,
- pour éviter les dangers de la vie en société ou maintenir son influence, il faudra se munir contre tout … (de la hiérarchie).

Au plan de la vie sociale, cette conscience devient vite une conscience féodalisée, une conscience sans la hantise de soumettre, mais au contraire avec le souci de ménager en tout la chèvre et le chou, une conscience sentant avec acuité le besoin de s’assurer des intermédiaires, des intermédiaires-objets ou des intermédiaires-personnes. D’où l’importance pour un tel homme, non de l’efficacité et progrès, mais des faveurs, pour une bonne vie assurée. Cela devient en définitive une conscience de « gusaba » (demander une faveur). Et ce « gusaba » s’oppose à la production personnelle, à l’élévation par ses propres moyens, à la préoccupation de dominer soi-même la nature environnante. Finalement la fierté humaine consistera dans le « guhabwa », le « recevoir » … Yampaye inka, yampaye isuka… Il m’a donné une vache, une houe… Et la grande part des relations se base autour de ce guhabwa. On donne quelques-unes des vaches qu’on a reçues, on administre des médicaments qu’on a reçus. On accepte la maladie qu’on a reçue. On vit avec la femme qu’on a reçue. On fabrique la bière selon la méthode qu’on a reçue. Cette mentalité autour du guhabwa devient comme une coutume qui régira un peuple pendant des siècles. Dans cette mentalité on ne peut inventer, innover, renouveler. On est bien quand on est comme tout le monde !

Voilà pourquoi dans une telle mentalité, l’homme (vit-mugabo) ne prenait pas part au travail tel que nous le concevons aujourd’hui, les activités de production, d’amélioration de niveau de vie étaient laissées à la femme, aux enfants. L’homme, lui, l’être principal s’occupait de ce qui était conçu comme le plus important : gusaba inkagusaba itongo gucishaguca imanza… gushengera… gucurisha isuka… gutera intambara… régler une palabre… faire la cour à un grand… se faire forger une houe … aller à la bataille…

3. A côté de ces deux grands facteurs qui ont causé la stagnation de tout un peuple « d’avant 1885 », manque de connaissance positive et conscience féodalisée, il y a tout un complexe de mentalité d’injustice qui ne pouvait permettre le goût du progrès. Comment en effet, peut-on avoir l’envie de produire plus, de s’enrichir, de sortir de l’ordinaire, dans une mentalité comme celle-ci :
- Ntawutunga ativye… celui qui ne vole pas ne pourrait devenir riche ;
- Imbugitan’uwuyifashe ikirindi… c’est la lame du couteau qui rend sa force au manche ;
- Umugabo n’urya utwiwe n’utw’uwundi… un vrai homme mange ce qui est à lui et ce qui est aux autres ;
- Igisuma n’igifashwe … un voleur est celui qui se fait attraper. Le fait de ‘kunyaga (reprendre de force un don) ou celui des bandes de voleurs de vaches ou de dévastation ont constitué un frein au développement social.
... "

dimanche 17 octobre 2010

Afrique, quel heritage aux generations a venir?

par Beni Nkomerwa


SIDA, Coups d’Etat, misère, malaria, sécheresse, guerres, corruption, néo-colonialisme, dictature, sous développement …Voilà l’héritage ! Je viens de commencer mon article par sa conclusion. Introduisons à présent ! Bientôt les Etats africains célébreront les jubilés d’or de leurs indépendances respectives.5O années d’histoire perdues ,5O années de recul ,5O années noires .Si Sarkozy le dit, on a envie de lui arracher ce qui lui sert de nez. Les jeunes d’aujourd‘hui sont l’espoir, de demain, le refrain est connu. Mais une question se pose : où sont passé les jeunes d’hier ? Tu en fais peut-être partie, toi qui lis ces lignes .Moi, je fais partie de la génération 7O-9O, j’ai lu des livres d’histoire sur les indépendances africaines mais toi, tu as vécu ces événements .Lorsque le CONGO, aujourd’hui RDC était au même niveau économique que le CANADA et loin devant la COREE du Sud et l’AFRIQUE du Sud, tu étais jeune sans doute. Tu connais l’héritage que tu as laissé à ma génération .Tu as 5O ans aujourd’hui, tu places ton espoir en moi .Quand tu avais mon âge, ton père comptait sur toi .Qu’as-tu fait ? Imagines que tous les jeunes africains de ton époque, toi y compris, aient lutté chacun dans son village et avec ses propres armes comme Mandela, Lumumba, Sankara, Rwagasore, Selassié, Nyerere,….Imagine la vieillesse heureuse que tu aurais eue aujourd’hui.

Regarde toi en face, tu sais quoi ? tu as trahi, tu as vendu or , diamant et cuivre ; richesses de ton pays .Tu as comploté contre Mandela, Lumumba, Sankara et les autres tu as pris le pouvoir ;tu as pulvérisé l’économie ,tu as emprisonné l’avenir de tes fils que nous sommes aujourd’hui .Et tu oses compter sur nous pour nettoyer tout cela.

Ne te mets pas à l’écart en te disant « moi je n’ai jamais été au pouvoir, je n’y suis pour rien si l’AFRIQUE n’est nulle part ». C’est justement là que tu as tort. PARCE QUE TU N’AS RIEN FAIT.

Jeune africain d’aujourd’hui, ton père a péché .Que fais –tu ? Des études en économie ?en droit ?en médecine ? Cela suffit-il ? Tu es comptable, ingénieur, professeur, artiste, commerçant, politicien, scientifique, cultivateur, journaliste , militaire, homme d’affaire, sportif,… tout cela est bon mais ton père l’était aussi .

Endettement:
Les États africains consacrent en moyenne 14 $ par personne par année auservice de la dette, contre seulement 5 $ aux soins de santé.Entre 1970 et 2002, les pays africains les plus pauvres ont reçu 294 milliards de dollars en prêts et remboursé 298 milliards de dollars en intérêt et principal, maisils devaient encore plus de 200 milliards de dollars. La Zambie consacre deux fois plus d’argent au remboursement de sa dette qu’à l’éducation.En Tanzanie, la remise de dette a permis au gouvernement d’abolir les frais descolarité pour l’école élémentaire, ce qui a fait augmenter les inscriptions de66 pour 100.

Commerce:
Les Nations unies estiment que les règles de commerce inéquitables, en soi,privent les pays pauvres de 700 milliards de dollars chaque année (soit2 milliards de dollars par jour).Les États-Unis subventionnent leurs producteurs de coton jusqu’à environ§3,5 milliards de dollars par année. Les entreprises états-uniennes vendent leurcoton sur le marché international à presque 50 p. 100 du prix de revient, ce quiexerce une pression sur les cours mondiaux et cause de graves problèmes,surtout pour les 10 millions de producteurs de coton de l’Afrique occidentale.En raison du dumping, le prix réel du maïs mexicain a chuté de plus de 70 p. 100.entre 1994 et 2003, ce qui s’est traduit par une réduction des revenus et par l’accroissement de la misère pour les 15 millions de Mexicains qui dépendent de cette culture.

Voilà le défis.
Nous dénonçons le pillage des cerveaux africains par l’occident, le pillage des richesses et ressources naturelles de l’AFRIQUE, l’ingérence des puissances étrangères dans les politiques africaines ainsi que leur hypocrisie.
Nous ne condamnons pas uniquement les étrangers, nous condamnons plus fermement nos propres frères africains traitres ou inconscients, dirigeants et population .
Nous invitons particulièrement la femme africaine à quitter les coulisses, à se mettre au travail. Elle est déjà la seule qui travaille dans son village parce que l’homme passe sa journée à s’enivrer de bière locale et à jouer aux dames à la maison pendant que la femme cultive les champs , son bébé sur le dos. C’est à elle de tout faire pour la famille, pour le village.
La femme « civilisée », elle, passe sa journée à la maison, à se maquiller et à regarder la télé pendant qu’un domestique fait tout à sa place. Son diplôme, elle le garde dans sa valise parce que « le salaire de son mari lui suffit » Somme toute, si elle le sortait, le vernis de ses jolis ongles en souffrirait.

L’heure de la révolution africaine a sonné ! Nous nous en apercevons même en retard. Une révolution économique à la chinoise, où tous les pays africains, tous dans leur individualités, mettraient en place une politique commune de profonde réforme économique, où tous les gouvernements africains s’investiraient à fond .Le projet des Etats unis d’AFRIQUE cher au Président Kadhafi devrait commencer par là. Une politique économique globalisante est plus facilement envisageable que l’idée d’un gouvernement politique unique pour toute l’AFRIQUE. Nous pouvons partir des unions économiques, régionales,… existantes déjà : CEDEAO, EAC, SADEC…..
Des projets d’unification de la monnaie, des taxes et des tarifs internes, des importations et exportations, des financements, d’infrastructure et investissement à court et à long terme d’agriculture,…sont en étude au niveau de ces unions régionales. Si ces projets réussissent au niveau régional et si l’EUROPE a réussi, pourquoi pas l’AFRIQUE ?

Certes vues les dimensions du continent et les potentiels obstacles à la réalisation d’un tel projet ( les divergences politiques des dirigeants essentiellement), l’on a tendance à qualifier le projet d’irréalisable. Mais gardez ceci à l’esprit africaines et africains, le peuple africain est composé de plusieurs peuples qui ont constitué des puissants royaumes et empires il n’ ya pas longtemps. Les actuelles frontières entre nos pays, nous ne les avons jamais tracés. Mais pourtant, les congolais de la RDC ont réussi à élever une nation avec et au-delà des 45O tribus qui la forment aujourd’hui . Des tribus se sont retrouvés partagées de part et d’autre d’une frontière tracée sur une carte à des centaines de milliers de Km de là. Supprimer ces frontières nous ramèneraient à 3 siècles dans l’histoire ; mais les enjamber nous projetterait dans un avenir meilleur pour les deux peuples de part et d’autre de la frontière.

S’il s’agit de former un royaume africain aujourd’hui au 21 ème siècle, alors Kadhafi a tort .Mais il a raison s’il pense que les peuples africains n’ont aucun intérêt dans les divergences politiques inutiles entre dirigeants africains, que ce soit entre compatriotes (le cas du Madagascar) ou entre ETATS (le cas RDC-RWANDA).

Le peuple se moque éperdument des intérêts personnels et égoïste de certains dirigeants et exigent que ceux-ci servent plutôt l’intérêt national. A qui profitent l’entêtement et la politique de Robert MUGABE ? Aux zimbabwéens qui vivent aujourd’hui avec moins d’un dollar par jour pendant que le vieux Président dépense des millions de dollars américains pour ses anniversaires ? (dollars américains parce qu’en dollars zimbabwéens on ne saurait plus compter ).

A qui profite l’absence de l’AFRIQUE dans le conseil de sécurité des Nations Unies ? Au Président OBAMA ? A qui profitent les contrats Chine –AFRIQUE ? Pourquoi la France pleure t-elle BONGO plus que le Gabon lui-même ? Pourquoi Kadhafi fait-il peur au monde ? Pourquoi les « 5 chantiers du Président Kabila »n’ont –ils jamais démarrés à 2 ans de la fin de son mandat ? Pourquoi la Banque mondiale empoisonne t-elle l’économie africaine ? Pourquoi personne ne parle de tout cela ? Pourquoi personne n’écoute Mandela ? Pourquoi la France s’acharne t-elle contre le Président Kagame ? Qui connait la réponse à cette question ? Les seuls concernés peut-être .Nous, nous n’avons pas envie de savoir. Le peuple rwandais vit la réforme de K agame et cela lui suffit. Traitez son Président de dictateur, de tout ce que vous voulez, nous ne vous écoutons pas .Nous voyons comment Kigali se transforme chaque jour qui passe, nous sommes occupés à aider notre Président à réaliser ses objectifs de développement d’ici 2020.

Si ce que vous qualifiez de dictature rime avec ce que nous qualifions de développement ici en AFRIQUE, alors allez parler votre français et vous votre anglais ailleurs.

Omar el BECHIR n’est pas le meilleur Président d’AFRIQUE, mais tant que Georges W. BUSH et Tony BLAIR ne seront pas poursuivis pour les atrocités commises par leurs armées en Irak, le peuple soudanais ne verra aucune raison de livrer son Président à Luis Moreno OCAMPO.

La cour pénale internationale est partisane .Elle a été créée pour « les petits indisciplinés » qui gênent les « grands » .Nous ne savons si l’ONU qui l’a crée en est moins. Juste pour les cas auxquels la CIA ne veut pas se mêler personnellement .Imaginez ce qu’ils feraient d’un Président africain qui créerait une prison comme Guantanamo.

J’invite toute la jeunesse africaine à prendre conscience de l’enjeu du défi de sa situation actuelle.

J’ai écris cet article en un français facile pour celui qui le lit comprenne. Je t’invite à laisser ton commentaire, à dire à tout le monde ce que tu penses de ton continent, de ton pays.

Parce qu’en parler, ça commence par là !

jeudi 14 octobre 2010

Le silence de Karyenda


[Karyenda: Tambour mystique et sacré du Burundi, qui avait son propre palais et son epouse (mukakaryenda) et dont le secret demeurait jalousement gardé par une famille precise, de génération en génération. Seul le mwami (roi) avait le droit de le voir et s'incliner devant lui.
Il represent(e)ait l'ame du Burundi car sans Karyenda, il ne pouvait y avoir de Burundi.]


Par Ketty Nivyabandi
C’est un son,
Plus ancien que les rives du Tanganyika
Plus puissant que ses volcans voisinant en sursaut
Plus pur que le chant des jeunes filles en quête
D’eau claire dans les ruisseaux de Mbuye.

C’est un son singulier qui réveille l’universel en soi,
L’inexprimable et l’inachevé à la fois.

Un son qui fait traverser
Les frontières de l’éternité à l’interpellé…
Ceux qui ont fait du silence du cœur leur allié
Vibrent avec sa cadence insondable.

Rythme mystique,
Envoûtant et tenace,
Aux échos royaux
Et humains aussi…

C’est une force inégalée qui gronde,
Qui gronde
Du haut de Banga,
La vieille montagne aux secrets.

Verbe sculpté
Que vierges huilent
Au beurre parfumé
Avec ferveur et piété…

Danse cryptique
Enigme des énigmes
Voix des devins
Ame d’une illustre contrée

Souffle d’un peuple aujourd’hui essoufflé…

Ne te tait pas Karyenda
Ecoute l’effroi que ton silence
Jette dans nos cœurs

Silence qui gène,
Silence qui grince,
Silence qui gratte,
Silence qui rend fou !

Silence d’un peuple déraciné,
Brutalement sevré de sa sève…


Gronde Karyenda,
Gronde,
Encore et toujours
Pour que l’insensé retrouve son sens
Que les mystères reprennent leurs parures sacrées

Et que nos cœurs trouvent enfin la paix.

dimanche 10 octobre 2010

Le danger d'une histoire unique

par Roland Rugero

L'œil rivé sur le mur blanc où est projeté l'intervention de Chimamanda Ngozi Adichie, auteure de L'autre moitié du soleil (Orange Prize), on écoute l'écrivaine nigériane raconter ses souvenirs d'enfants. Dans un amphithéâtre américain, elle se rappelle comment petite, sa mère lui avait décrit le village d'un de leurs domestiques, rempli de misère et où la faim étreint les plus solides... Qu'elle ne fut sa surprise, lorsqu'elle s'y rendit un jour, découvrant que ces misérables fabriquaient de magnifiques vanneries, eux qui devraient être tenus à tenter de 'survivre'! Longtemps, elle avait vécu avec une seule histoire de cette famille.
Ainsi, ses premiers personnages dans les récits qu'écrira Chimamanda sont des héros aux yeux bleus et parlant du 'beau soleil'. Inconsciente, elle ne fait que reproduire des mondes tirés de ce qu'elle a lu jusque là, des auteurs anglais principalement. Ces univers façonnent en elle un univers romanesque uniforme: il faudra attendre Chinua Achebe ou Camara Laye pour découvrir des romans aux personnages noirs!
Étudiante aux États-Unis, Chimamanda s'entend signifier un soir, de la bouche d'un de ses camarades, « le choc devant les hommes nigérians, des violeurs comme le père du personnage d'un de tes romans!»... La nigériane, du tac au tac, lui rétorque qu'elle est encore plus choquée car elle vient de découvrir dans le film American Psycho, que « les jeunes américains sont de si grands tueurs en série». L'histoire unique de massacres ou de meurtres, renvoyée de part en part par des lectures faites dans un seul sens: les préjugés ne pourraient que fuser.

Ainsi, il apparaît urgent pour Chimamanda, de tirer ce 'pays Afrique' (comme l'appelle certains touristes) du gouffre caricatural dans lequel il a été plongé par des auteurs et journalistes de tous poils. Se nourrissant de reportages chocs et live de grandes marques médiatiques de l'Occident, il est désormais établi pour certains que l'Afrique est terre de toutes les misères, verte et désordonnée, aride et d'une sauvagerie attendrissante, sol où n'y pousse du bien que sous forme de fruits et de femmes...
Oui, tout cela existe, et même pire: mais les histoires ne s'arrêtent pas là! Il y a aussi des projets qui réussissent, des rêves qui s'accomplissent, des humains qui meurent de vieillesse.

Dans le Samandari, on a discuté de ce pouvoir des médias. Du pouvoir d'imposer une Histoire. Avec raison, l'écrivaine nigériane soulignait qu'elle connait les États-Unis parce qu'elle a lu plusieurs versions qui racontent ce pays, plusieurs histoires qui créent Une histoire faite d'échos. Ce qui manque à l'Afrique.
Puisant dans sa langue maternelle, Chimamanda renvoie ce pouvoir au mot igbo nkali, qui veut dire 'être plus grand que l'autre'. «Tout dépend du pouvoir que l'on a sur autrui. Avec ce pouvoir, vous ne racontez plus qui est quelqu'un: vous établissez définitivement qui il est», complète-elle...
Pour faire bref, il faudrait donc que le Samandari ne soit pas un lieu d'une histoire unique de révoltes, mais un espace ouvert à toutes les petites histoires, drôles, sanglantes, puantes, rieuses, noires, roses. Car qui ne sait que l'Histoire est faite d'histoires?

lundi 4 octobre 2010

Ecrire, ou attendre l'histoire?

par Roland Rugero

Intéressante discussion dans le Samandari de ce 16 septembre. Tout aurait pu partir de ce rappel de Philippe Meloni sur http://afrochild.wordpress.com/: «Un homme ans passé est plus pauvre qu’un homme sans avenir.» Connaître son histoire permet, à l'historien et à l'écrivain plus particulièrement, à un peuple plus généralement, de 'voir' à travers le temps, d'envisager plus intelligemment son avenir. Mais dans un Burundi où «l'on assiste à des manipulations de données » dixit Melchior Mukuri, il est difficile de savoir 'ce qui s'est passé'. Si difficile que les politiques ont même décidé que les Burundais devraient réécrire leur histoire. Soulignons d'ailleurs que nos élèves étudient le passé du Burundi jusqu'en 1962, le 1 juillet plus précisément. Après ? Cela se complique...
D'autant plus que le Burundi a hérité d'une culture orale, «qui exige plus d'énergie pour passer à l'écrit » pointe Florance Bouckaert, peintre et professeure.

Dans le Samandari, deux opinions se sont rencontrées. Pour les uns, écrire, se réapproprier son passé et la culture de sa société à travers les temps par l'écrit devrait se faire après ces retrouvailles avec son histoire. Parce que là, on saura qui est le « je » en possession de la feuille, le « tu » auquel l'écrit s'adresse... Pour les autres, face à notre culture burundaise « si riche et si difficile à posséder », selon Jean Marie Ngendahayo, il n'y a pas de minutes à perdre. Sans complexes ni prétention, mais avec prudence, il faut que les Burundais écrivent. Car, affirme l'ancien politique, « pour être nous-mêmes, nous ne devons pas refaire le monde!» Ézéchiel, slameur, n'en démord pourtant pas : «Nous ne pouvons pas écrire sur nous-mêmes si nous n'avons pas fait la part du mal de la colonisation!»

Mais, voilà : « On peut certes expliquer les douleurs de l'Afrique, du Burundi, en évoquant le colon. Mais l'on ne peut pas tout expliquer en se tenant exclusivement à lui », rappelait en 2009, à Bujumbura, un éminent jésuite. Et c'est particulièrement vrai lorsque l'on pense à l'histoire du Burundi à la lumière de Zamu, ce poème écrit 1978 par Jean Marie Ngendahayo, alors étudiant. Qui es-tu, toi, pour être proscrit ? Serais-tu de ces chiens que j´entends aboyer/ Du fond de mon lit moelleux ? Pauvre Zamu, bercé par les piqûres de moustiques et les faux chants de l'unité...