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Café Littéraire. Espace ou naissent et se croisent toutes formes d'écrits: slams/poésie/contes/nouvelles/romans/théâtre. Tous les jeudis de 18h à 20h au CEBULAC (Burundi Palace, 1er étage), en plein centre de Bujumbura. Entrée libre et gratuite.

mardi 11 octobre 2011

" Qui ", par Ketty Nivyabandi Bikura

Petit garçon
Sous tes airs de grand patron
Qui t’a fait si peur ?
Qui t’a fait si mal ?
Que pour te sentir homme
... Il te faille voir en tout être
Une proie,
Un marché…
Avoir dans tes yeux d’ogre
Une faim que nul banquier
Ne saurait rassasier
Et être possédé par cette envie urgente
De tout posséder

Petit garçon
Sous tes airs de grand président
Qui t’a fait si peur ?
Qui t’a fait si mal ?
Que pour avoir confiance en toi
Il te faille des prisons
Gorgées d’opposants
Des pirouettes à libre vent
Pour, en tout temps
Bruler l’encens de tes louanges
Et des portraits de toi
Dans toutes les huttes de la nation

Petit garçon
Sous tes airs de grand violeur
Qui t’a fait si peur ?
Qui t’a fait si mal ?
Que pour te sentir fort
Il te faille tant te haïr
Détruire avec toi
La vie de celle
Qui donne la vie
Mais rester perdu
Sur les quais de la démence
Ta petite queue toute trempée de sang
De mamans...

Petit garçon
Sous tes faux airs de grand
Enlève tes souliers boueux
Viens, poses ta tête fiévreuse
Sur mon sein
Pleures moi tes hontes
Raconte moi,
Qui a décroché la lune de tes yeux ?
Dis moi qui t’a menti
Que pour guérir tes bobos
Il fallait faire si mal à l’autre ?

Je te serrerais dans mes bras
Je chasserais les méchants
Je te dirais
Que tu n’es un bout de personne
Et qu’a toi seul
Tu es homme
Je te dirais que je t’aime
Avec tes carcasses de rêves
Et ton orgueil en miettes
Je te dirais qu’en toi se trouvent
Tous les trésors sous le soleil
Je boirai le sel de tes larmes
Je te bercerais dans la chaleur de mon dos
Et lorsque tu t’endormiras
Je te soufflerais à l’oreille
Que plus personne ne te fera peur
Que plus personne ne te fera mal.

K.N. 2011

4 commentaires:

  1. Un très beau poème, très beau.
    J'aime beaucoup la distance qu'il y a entre le petit garçon et ce qu'il fait de con,de mal, de méchant, de mauvais... Une distance car on a l'impression que ça vient pas de ce petit poupon et l'auteure pose la question : qui? Qui t'a appris à faire ça, qui t'a embourbé dans la misère où t'es? QUi? qui? Et Dieu seul sait que le petit garçon va baisser la tête, car il n'a pas de réponse.

    Et la poètesse ne fait pas que poser la question, être juge; elle invite le petit garçon à la conversion, à la chaleur, à la vie, à la lumière. L'on a tous, cons, menteurs, méchants..., besoin d'un peu de vie.

    merci à Ketty

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  2. On pourrait presque tomber, hâtivement sans doute, dans le piège d'avoir affaire à une auteure naïve et simpliste. Or, il n'en est rien. Ketty, maîtresse de son verbe et de son incroyable acuité face aux vicissitudes du réel, nous dévoile, avec une puissante nonchalance, la terrible réalité de ce qu'est devenue, pour certains hommes volontairement innommés, la poursuite acharnée d'un "bonheur" à tout prix, pour ne pas dire à tout crin - au détriment d'autres personnes humaines. On pourrait, enfin !, après la douce lecture de ce poème subversif et léger (pas dans le mauvais sens du terme), reconsidérer la force de la littérature. Et oser se réapproprier ce vieux rêve des Poètes qui affirme haut et fort qu'avec les mots on peut transformer le monde.

    Bravo, Ketty !

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  3. Que ce soit mes deux poètes burundais préférés et que j’admire sans réserve qui écrivent ceci est plus qu’un honneur. Vos paroles, si profondes, et si riches de semences, me remplissent d’humilité, et de foi en cet art qui nous a offert refuge. Oui la littérature peut changer le monde!
    Et ce qu’elle a d’autre de miraculeux c’est aussi cette faculté de nous unir, de faire de nous, auparavant étrangers, inconnus, une seule famille, unie par la force du verbe vrai...

    Thierry et Abdoul, chers frères, – merci pour vos commentaires, et pour ce que vous êtes!

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  4. ton poème est très beau!!!!bravo ketty!
    bisou et courage
    laurence

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