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lundi 17 décembre 2012

Ecrire en français au Burundi


Poète, nouvelliste et journaliste burundais, Thierry Manirambona répond lui aussi à la question "Que veut dire écrire en français ?", en s'intéressant au processus de fabrication de l'écrit en français : « Le travail est exigeant, une exigence doublée, triplée par la perspective de milliers d'yeux qui vont lire le texte publié, édité ».
Dans un pays où la lecture n’est pas un évènement fréquent et où la pratique du français est bousculée par l’apprentissage d’autres langues, il n’est pas très difficile de prédire l’avenir d’un texte littéraire écrit en français et encore moins du sort de son auteur.
Ceci est une réalité au Burundi, et au Rwanda. En dehors de ces pays, la situation change. Loin des frontières, il est des textes, d’auteurs burundais ou rwandais, écrits en français, qui font leur chemin jusque loin. Le roman Notre-Dame du Nil, pour lequel l’écrivaine rwandaise Scholastique Mukasonga a obtenu mercredi 7 novembre 2012 le Renaudot est un bel exemple. Mais que se passe-t-il quand l'auteur manque la notoriété que confèrent ces honneurs venus de Paris ?
Le livre et le café, des produits de luxe
Un livre coûte doublement cher, au Burundi : aussi bien pour le produire que pour l'acquérir. Aux affres d'une édition qui exige un véritable parcours de combattant, l'auteur se retrouve devant un lectorat burundais (maigre) qui hésite à dépenser pour un produit de luxe, dont il peut bien se passer surtout par les temps qui courent. Se nourrir, se soigner, s'habiller, les priorités sont claires dès le début. Or, lire, c’est d’abord chercher un livre (l'acheter, l'emprunter, ...)
Lirait-on plus au Burundi si le livre était gratuitement distribué à la sortie du marché ? Ce n’est pas sûr. Car lire demande aussi un investissement personnel important : son temps, une énergie cérébrale (comprendre la langue, saisir le sens et le mouvement du récit…) que la plupart ont tôt fait de préserver. Comment en serait-il autrement si, dès l'enfance, cette culture du livre n’existe pas ? Contrairement à ce que l’on peut constater dans les pays anglophones qui nous entourent : acheter le journal le matin à Kampala est un geste naturel. Et acheter un petit roman qu’on va lire pendant le voyage est aussi normal au Kenya qu’écouter la radio au Burundi. Comme il est rare de voir un Burundais moyen boire du café, réservé aux Blancs, aussi est-il exceptionnel de voir un Burundais lire le soir en rentrant du travail.
Le français, une langue « compliquée »
Ajoutons à cela le fait qu'écrire en français est exigeant, une exigence doublée, triplée par la perspective de milliers d'yeux qui vont lire le texte publié, édité. Cela demande un travail important : la grammaire, le style et tous ces petis détails d’ordre linguistique auront fait pester plus d'un. Et il n’est pas rare, au Burundi, de tomber sur un texte dont l’auteur ne ménage pas du tout Maurice Grévisse et sa rigueur. L’enseignement et la pratique du français qui seront mis en question.
La lecture étant irrégulière et l’écriture hésitante, il est évident que le texte français produit dans un tel contexte ne fera pas le tour du monde.
Mais si l’agriculteur burundais ne boit jamais du café considéré comme un produit de luxe au Burundi, il a quand même intérêt à bien entretenir son caféier sachant que de la vente du café participe à sa vie … Ainsi, celui qui entend écrire en français, au Burundi, a-t-il intérêt à s'engager en connaissance de cause. Et en n'oubliant pas que l'anglais, avec ses valeurs, participe à retrécir encore plus son marché.

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