Pour
la clôture de festival Étonnants Voyageurs tenu à Brazaville,
Sonia Rolley de la RFI rencontrait l'écrivain franco-congolais Alain
Mabanckou, co-initiateur de l'événement ...
L'Afrique qui vient est-elle anglophone ?
Non,
elle est aussi lusophone, arabophones. C'est vrai qu'il y a un grand
dynamisme du côté de la littérature anglophone avec notamment le
Nigéria, pays le plus peuplé d'Afrique avec une longue tradition
d'écrivains (Amos Tutuola, Chinua Achebe, Wole Soyinka - prix Nobel
de littérature), mais aussi aussi troisième cinéma au monde en
termes de titres de fims publiés par an, après Bollywood et
Holywood.
Vous
qui êtes professeur de littérature francophone, comment justement
expliquez-vous que l'on sente une plus grande effervescence chez les
artistes anglophones ?
Parce
que ces derniers ont déjà géré la
question coloniale.
Ils se sont libérés de cette manie de toujours expliquer leurs
défaillances en invoquant la colonisation. Les anglophones, quand
ils écrivent leurs textes, sont reçus de manière normale :
il n'y a pas cette distinction que l'on retrouve côté francophone
où vous avez des écrivains « franco-français » d'un
côté, et les autres, sensés venir des anciennes colonies ou des
pays dans lesquels la France a une certaine histoire. Les anglophones
ont aussi géré la
question de la
négritude :
ils
ne sont pas forcément dans l'exhibition
de ce qui pourrait fonder leur civilisation, ils sont dans la
description
de
la réalité. Ce n'est pas une littérature forcément idéologique,
c'est une littérature qui épouse les réalités quotidiennes. Nous
avons beaucoup de problèmes dans le monde francophone :
beaucoup de questions historiques ne sont pas réglées avec la
France, il y a la question des étrangers en France au cœur des
grandes discussions, le refus parfois de la France de traiter à
égalité les écrivains venus d'autres pays francophones, et enfin,
une centralisation de la littérature française à Paris, sur les
rives de la Seine...
L'anthologie
commence par un texte d'un écrivain kenyan, Binyavanga Wainaina, qui
décrit dans une nouvelle acerbe « Comment écrire sur
l'Afrique », une critique de l'image que l'on colle à
l'Afrique : est-ce une manière d’enterrer une certaine idée de
l'Afrique ?
C'est
une manière sarcastique de faire le bilan des préjugés qui entourent le continent : beaucoup, pour en parler, emploient un
vocabulaire formaté. Et ce dernier nous fait du mal, depuis
longtemps : misère, souffrance, guerre civile, génocides,
etc... il n'y pas que cela en Afrique ! Il faut aussi voir cette
soif de la jeunesse africaine pour la culture, etc. Et c'est aussi le
sens de ce festival : pour dire que malgré les zones d'ombre
que l'on voit sur le continent, il existe de l'espoir, et cet espoir,
c'est l'Afrique qui naît, qui vient.
Peut-on
dire que ce texte est le symbole d'un vent de révolte qui souffle
sur le continent, notamment à travers internet, un ras-le-bol d'une
image de l'Afrique imposée aux Africains ?
C'est
peut-être aussi un ras-le-bol, mais cela participe toujours de la
définition peut-être de la conscience que nous avons : il faut
que nous soyons nous-même pour que les autres nous respectent.
Si
vous devriez résumer cette "Afrique qui vient" ?
C'est
une Afrique qui refuse le fatalisme et une définition imposée de
soi par l'Occident. C'est une Afrique dont le bouillonnement culturel
est en train de progressivement faire jour.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire