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samedi 23 février 2013

"Congo, une histoire" à lire

L'ouvrage est à retrouver notamment à la
bibliothèque de l'Institut 
Français du Burundi

Prix Médicis, dans la catégorie Essai, ce pavé de 700 pages est ce qu'il y a à la fois de plus humain et d'exigeant en matière d'écriture sur une histoire riche, très large, longue, africaine, mondiale, violente et actuelle, celle d'un pays, la République Démocratique du Congo. Survol*
Par Roland Rugero
Il est des livres à être lus, par l'ampleur de leur regard qu'ils offrent sur la marche du monde. Ainsi est Congo, une histoire (Actes Sud, 2010) dans lequel David Van Reybrouck, un archéologue flamand, nous entraîne dans les 90.000 ans de la touffeur de l'histoire de l'actuelle RDC, dense comme sa forêt. Un travail de fourmi pour lequel l'auteur, par ailleurs journaliste, prélèvera 6 ans de sa vie pour consulter, entre autres, 5.000 sources, après avoir renoncé à une brillante carrière académique.
Voici donc le vieux Nkasi, 126 ans, un miracle de la vie, qui permettra à l'essayiste belge d'avoir « une vue panoramique de l'histoire du Congo, depuis la fin du 19ème siècle jusqu'à nos jours. » Voilà Regine et Ruffin, l'une directrice d'une école catholique pour filles, l'autre jeune écolier, tous Zaïrois de l'an 1990, au cours duquel Mobutu annonce la fin du parti-État. Pierrot Bushala analyse un mariage raté au début des années 1990, pour cause de la montée des tensions ethniques. Les sœurs Fatima et Fina, commerçantes, harassées par les aléas des affaires dans ce pays-continent qui, au passage, possède « les douanes les plus chères au monde.» Commandant César qui a servi sous Mobutu, Kabila père puis fils, avant de s'offrir une brochette de pays de l'Asie à la recherche d'un asile. Albert Tukeke, 80 ans, guichetier avant l'indépendance et lointaine parenté de Patrice Lumumba, qui parle des milles et unes humiliations infligées par les Belges aux Congolais. Les écrits du père Tempels sur La Philosophie Bantoue, etc.
Une tonalité originale
Au total, 500 témoins oraux qui donnent au texte une richesse humaine unique sur le sujet : «J'étais mal à l'aise sur le Congo avec ce que j'avais appris à l'école ou les histoires familiales», concède David, en expliquant les raisons qui l'ont poussé à se consacrer au sujet. Son père était au Katanga comme coopérant de 1962 à 1966. Et « dans ma jeunesse, j'étais toujours fier de dire : Mon père n'était pas au Congo en colon, mais après l'Indépendance ! Mais je me suis rendu compte, plus tard, que l'époque et la région dans lesquelles il a travaillé était caractérisé par une espèce de 'colonialisme tardif' … »
A travers cette Histoire du Congo, écrite à l'aide d'histoires du quotidien, émerge des millions de voix d'un peuple, à l'origine composé des centaines de tribus, dont les membres seront bientôt exilés, séparés, rassemblés ou tués pour assouvir les besoins de la métropole belge en matières premières pour ses industries.
Cela commence avec la mainmise du roi Léopold II sur le Bassin du Congo, avec la « fameuse » Conférence de Berlin à l'issue de laquelle il devient, par union personnelle, roi-souverain de l’État Indépendant du Congo (EIC) : «Il faut remonter loin, dans l'histoire occidentale, au 6ème siècle, pour voir une telle identité entre un souverain et son territoire», explique David van Reybrouck. Le commerce d'ivoire du roi ayant échoué (tous les éléphants ont été abattus), la « rentabilité » de la colonie sera assurée avec l'explosion de la demande mondiale en caoutchouc, suite à l'invention du pneu par l'Écossais Dunlop. En 1908, face au tollé mondial que suscitent les atrocités commises dans l'exploitation du Congo, Léopold II fait brûler les archives sur son aventure africaine, avant que la Belgique reprenne officiellement la colonie.
Les péripéties d'un peuple
Saviez-vous, par la suite, que la force publique congolaise a pourchassé les Allemands en Tanzanie lors de la première guerre mondiale et les Italiens en Éthiopie lors de la seconde ? Qu'il y a eu des militaires congolais jusqu'en Birmanie ? Qu'à l'heure de l'indépendance, en 1960, le Congo était le pays de l'Afrique sub-saharienne le plus alphabétisé, avec 140.000 km de routes goudronnées, des centaines d'hôpitaux et d'écoles contre … 16 diplômés d'université, en psychologie et en pédagogie principalement, pour gérer un pays de 2,345 millions de km², du jour au lendemain ? Que l'Église catholique a activement participé à freiner le développement intellectuel de l'élite congolaise ? Que la musique y a toujours joué un rôle politique ? Que l'africanisation de l'armée congolaise par Lumumba dans les 15 jours qui suivirent l'obtention de l'Indépendance fut une terrible erreur dont les conséquences se font toujours sentir ? Que durant les 6 premiers mois de son indépendance, le Congo allait connaître une grave mutinerie dans l'armée, une fuite massive des Belges suivie de l'invasion de l'armée belge, puis l'intervention militaire des Nations Unies (dont un secrétaire général tué, fait unique dans l'histoire de l'organisme), le soutien politique de l'Union Soviétique, une crise constitutionnelle sans égal, deux sécessions (au Katanga, puis au Kassaï) portant sur un tiers de son territoire, en plus de la mort tragique de son premier ministre arrêté et torturé ?
Et qu'en renommant « Zaïre » le pays qu'il a pris de force, et par la ruse, en 1965, Mobutu Sese-Seko copie une faute d'orthographe commise par un cartographe portugais du 16ème siècle qui, à l'origine, voulait écrire Zadi (« rivière », en kikongo) ?
Voilà pourquoi il faut lire Congo, une histoire.
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*Cet article est rédigé entre autres avec des extraits de l'émission « Idées » du 2 novembre 2012 sur RFI, dans laquelle Edouard Deldique accueillait David van Reybrouck ...

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