Avril
n’est pas que le mois des pluies au Burundi. C’est aussi le mois
de deuil. Et des mauvais souvenirs ...
Les Burundais se souviennent de
leur président Ntaryamira Sylvestre qui est mort le 6 avril dans un
attentat contre l’avion du président rwandais Habyarimana Juvénal.
C’était en 1994, un passé qui n’est pas très lointain. Ils se
souviennent aussi des « événements de 1972 ». Avril
1972. Une année qui a endeuillé le Burundi, des milliers de vies disparues et dont le souvenir hante toujours les esprits. Il y a aussi les Martyrs de Buta ...
Par Thierry Manirambona
Bruxelles, ce 1er avril : présentation du livre de Jacques Claessens, avec la présence de l'ambassadeur du Burundi en Belgique ... |
Les
politiques, les médias et la société civile en parlent. Les
citoyens ordinaires racontent ce qui s’est passé. Et sur
différentes plateformes, le Mal est raconté.
Dans
une autre forme de mise en récit, les écrivains et les artistes
parlent eux-aussi du Mal en le dénonçant, en dénonçant les
coupables,
en invitant les Burundais à une longue marche vers la
réconciliation. Et ce n’est pas qu’au Burundi qu’on le fait,
en dehors des frontières du pays, l’engagement artistique et
littéraire est le même.
Cette
année, deux événements, littéraire, artistique, sont tombés à
point pour parler autrement et indirectement d’avril.
Il
s’agit d’abord d’une rencontre du 1er avril 2013 qui a eu
lieu à Bruxelles, et durant laquelle Fabien Cishahayo et Constance
Fréchette Claessens présentaient le livre « Uncri… de liberté » de Jacques Claessens. Le premier, professeur en communication au
Canada, a rencontré l'auteur du livre et a été « marqué
pour la vie ». La seconde est l'épouse de Jacques. Les deux
présentaient donc ce livre de 788 pages, qui raconte la vie et
l’œuvre d’un bâtisseur, d’un explorateur, d'un homme qui a
servi le Burundi avec beaucoup de passion. Malheureusement, il devra
cesser, non sans peine, son aventure au Burundi. « Brusquement,
inopinément, une nuit, je dois fuir ce pays que j’aime. L’Afrique
génocidaire se dessine », écrira-t-il.
Ce
livre mérite d’être lu, relu et partagé. A la manière des
livres de Michel Kayoya, Un
cri de liberté
pose des questions sur des thèmes variés, lesquelles questions
peuvent être d’une grande inspiration pour tout citoyen burundais
engagé dans la construction
de son pays. Une autre façon de sortir d’avril.
Dans
un autre genre, Frédérique Lecomte, metteur en scène, avec un
groupe de comédiens burundais a présenté une comédie musicale,
Amakuba, à Louvain-la-Neuve en date du 25 avril 2013.
Née
en 1958, Frédérique Lecomte est metteur en scène, interprète,
comédienne, auteur dramatique, sociologue. Elle est directrice et
initiatrice du concept « Théâtre & Réconciliation ».
Elle est aussi membre de la société des Auteurs et Compositeurs
Dramatiques (SACD). Parmi ses réalisations au Burundi, on peut citer
Si Ayo Guhora,
150 représentations, 160.000 spectateurs.
L’affiche
de la pièce de théâtre présentait la comédie en ces mots :
Amakuba :
4 acteurs burundais : (pas) gentils, (pas) exotiques, (pas)
politiquement corrects. Dans une comédie musicale sur les (c)rimes
authentiques de l’Afrique centrale.
Cette
représentation théâtrale aborde de façon frontale, la question
ethnique, les différents conflits qui ont endeuillé le Burundi et
surtout insiste sur la réconciliation.
Outre
son réalisme dans sa façon d’aborder ces thèmes, l’originalité
de la pièce tient aussi par son genre même : une comédie
musicale. Le chant et la danse accompagnent les dialogues tout le
long de la pièce.
Ce
qui est le plus intéressant encore, c’est qu’après la
représentation, les acteurs et l’auteur et metteur en scène de la
pièce de théâtre échangent avec le public. Non seulement, le
public pose différents questions aux comédiens et à Frédérique
Lecomte, mais aussi les gens ont l’occasion d’échanger et de
donner leurs opinions sur les conflits qu’a connus le Burundi, sur
l’impact du théâtre et de l’art dans la réconciliation. Une
occasion d’aborder des questions épineuses qui concernent la
société burundaise. Une autre façon de parler d’avril.
Une
autre façon de parler d’émergence,
de vivre
ensemble.
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