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Café Littéraire. Espace ou naissent et se croisent toutes formes d'écrits: slams/poésie/contes/nouvelles/romans/théâtre. Tous les jeudis de 18h à 20h au CEBULAC (Burundi Palace, 1er étage), en plein centre de Bujumbura. Entrée libre et gratuite.

samedi 14 août 2010

La complainte de la femme de Bujumbura Rural, de Jeanne Muvira

par Jeanne Muvira

Du haut de Bujumbura Rural, une complainte perce le ciel faussement calme

Une femme et toutes ses entrailles maudit ce jour qui l’a plantée dans ce désert d’inhumanité
Elle n’a que seules richesses sa terre et sa progéniture
La terre, on la lui arrache ! Qui ?
Ceux qui n’ont pas conscience d’en avoir possédé
Sa progéniture est marquée depuis des générations par des pleurs
Elle a entendu il y a longtemps cette même complainte qui perce le ciel faussement calme
Les vautours en ont fait un royaume
Les hommes se sont tus de leur lâcheté
Les armes raisonnent pour annoncer la petite grandeur des gardiens du temple Burundi
Ils sont forts dit –on dans les quartiers d’en bas, là où les vautours ont élus domicile
Les quartiers « en bas » géographiquement, mais opulence insolente,
Arrachée aux entrailles de la femme dont la complainte perce le ciel faussement calme

La complainte, va, avance, implore de se jeter dans un puits sans fond
Elle revient de plus en plus assourdissante
Les hommes des quartiers d’en bas ne parlent pas la même langue
Forcément, la complainte fait écho
Eux là bas , ils parlent leur langue au moment de la récolte
La moisson est artillerie, bouffonnerie, duperie, avidité
Cette langue est celle des cultivés des quartiers d’en bas,
trop chic pour qu’on la comprenne
Et ils disent et demandent qu’on les maintienne dans ces ténèbres pour les protéger d’une envie d’être comme eux,
Mais quand arrive la récolte de leur moisson,
ils veulent des voix pour se hisser encore plus loin, plus haut
Un homme, une voix dit-on
Ils veulent tuer l’homme jusqu’au dernier et garder la voix seulement
Ils sont fort les gens des quartiers d’en bas
Des cendres de leur Burundi, ils bâtiront une démocratie, un modèle de cette Afrique agonisante
La Banque Mondiale, le FMI et tous les autres sympathisants de l’agonie acclament
Nos dirigeants ont fait de leur mieux
Ceux dont la complainte perce de plus en plus le ciel faussement calme
n’ont qu’à mourir en silence
La dignité de leur silence nous emportera tous

1 commentaire:

  1. J'ai écrit ce texte après un reportage dans Bujumbura rural alors qu'une bombe venait d'exploser. Une femme en pleures qui ne sait plus quoi faire de sa vie et de ses enfants m'a agrippée par la main et m'a demandé de l'aider. J'ai sortie quelques billets de ma poche et une tristesse m'a envahie. La génération de burundais instruits, nous qui sommes sensés construire le pays, nous sommes la source des pleures de cette femme>. Jeanne MUVIRA

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